Le cadre légal du contrat de sécurisation professionnelle
Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) est un dispositif d’accompagnement des salariés licenciés pour motif économique. Son adhésion par le salarié entraîne la rupture du contrat de travail, conformément à l’article L1233-67 du Code du travail. Toutefois, cette rupture doit être fondée sur un motif économique réel et sérieux, tel que défini par l’article L1233-3 du Code du travail.
L’employeur a l’obligation de fournir au salarié, avant son acceptation du CSP, un document écrit précisant les motifs de la rupture. Ces motifs peuvent être exposés de différentes manières :
- Dans le document d’information sur le CSP remis au salarié
- Dans la lettre que l’employeur doit adresser au salarié si le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement
- Dans tout autre document écrit porté à la connaissance du salarié au plus tard au moment de son acceptation du CSP
La jurisprudence sur l’information du salarié
La Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur les modalités d’information du salarié concernant le motif économique de la rupture. Dans un arrêt du 13 juin 2018, elle a considéré qu’un compte-rendu de réunion du CSE transmis au salarié par courrier électronique pouvait constituer un écrit valable pour informer le salarié des motifs économiques de la rupture.
Cependant, un arrêt du 11 septembre 2024 a nuancé cette position. La Cour a rappelé que le document écrit informant le salarié du motif économique doit énoncer à la fois la raison économique fondant la décision et sa conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. À défaut, la rupture est considérée comme dépourvue de cause réelle et sérieuse.
L’analyse de l’arrêt du 11 septembre 2024
Dans cette affaire, une salariée avait reçu un compte-rendu de réunion des représentants du personnel par courriel. La Cour a estimé que ce document n’énonçait pas l’incidence des difficultés économiques invoquées sur l’emploi de la salariée, contrairement au cas de l’arrêt de 2018.
Bien que la salariée ait été informée oralement lors de l’entretien préalable des difficultés économiques, des procédures de licenciement engagées et des postes visés, la Cour a jugé que l’absence de cette information par écrit rendait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les implications pour les employeurs
Cette décision souligne l’importance pour les employeurs de fournir une information écrite complète et précise aux salariés dans le cadre d’un CSP. Il est crucial de mentionner non seulement les motifs économiques généraux, mais aussi leurs conséquences spécifiques sur l’emploi du salarié concerné.
Les employeurs doivent donc être particulièrement vigilants dans la rédaction des documents transmis aux salariés, en s’assurant qu’ils contiennent tous les éléments requis par la jurisprudence. Cette rigueur est essentielle pour éviter que le licenciement ne soit jugé sans cause réelle et sérieuse, ce qui pourrait entraîner des conséquences financières importantes pour l’entreprise.
Perspectives et recommandations
La décision de la Cour de cassation du 11 septembre 2024 apparaît particulièrement stricte. Elle soulève des questions sur la nécessité d’un formalisme poussé, même lorsque le salarié a été informé oralement des conséquences du licenciement sur son emploi.
Dans l’attente d’une éventuelle évolution de la jurisprudence, il est recommandé aux employeurs de :
- Rédiger avec soin les documents écrits transmis aux salariés dans le cadre d’un CSP
- Inclure systématiquement les motifs économiques et leurs conséquences précises sur l’emploi du salarié
- Conserver des preuves de la transmission de ces informations
- Former les responsables RH et les managers aux exigences légales et jurisprudentielles en matière de CSP
Cette approche prudente permettra de sécuriser les procédures de licenciement économique et de réduire les risques de contentieux.
La jurisprudence récente sur l’information du salarié dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle met en lumière la nécessité d’une rigueur accrue dans les procédures de licenciement économique. Les employeurs doivent adapter leurs pratiques pour garantir une information écrite complète et précise, respectant ainsi les exigences légales et jurisprudentielles.