La rénovation énergétique des copropriétés est devenue un enjeu majeur face à l’urgence climatique. Un arsenal juridique inédit vient encadrer ces travaux, bouleversant les règles du jeu pour les copropriétaires. Décryptage des nouvelles obligations et opportunités.
Le plan pluriannuel de travaux : une feuille de route obligatoire
La loi Climat et Résilience impose désormais l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux (PPT) pour toutes les copropriétés de plus de 15 ans. Ce document, établi pour une durée de 10 ans, doit être actualisé tous les 10 ans. Il s’appuie sur une analyse du bâti et des équipements de l’immeuble, incluant un diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif.
Le PPT doit lister les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il doit être accompagné d’une estimation du coût de ces travaux et d’un calendrier de réalisation.
L’adoption du PPT se fait en assemblée générale des copropriétaires, à la majorité simple. Une fois adopté, il devient la feuille de route de la copropriété en matière de travaux, avec une portée juridique contraignante.
Le fonds travaux : une épargne collective renforcée
Pour financer les travaux prévus dans le PPT, la loi impose la constitution d’un fonds travaux. Ce fonds, déjà obligatoire depuis 2017, voit son montant minimum relevé. Il doit désormais être alimenté par une cotisation annuelle d’au moins 5% du budget prévisionnel de la copropriété.
Les sommes versées au fonds travaux sont attachées aux lots et définitivement acquises au syndicat des copropriétaires. En cas de vente d’un lot, le vendeur ne peut donc pas récupérer sa quote-part du fonds travaux.
Le syndic a l’obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé pour le fonds travaux, distinct du compte courant de la copropriété. Les intérêts produits par ce compte sont acquis au syndicat des copropriétaires.
Le vote des travaux : des règles de majorité assouplies
Pour faciliter l’adoption des travaux de rénovation énergétique, le législateur a assoupli les règles de majorité en assemblée générale. Ainsi, les travaux d’économies d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre peuvent être votés à la majorité simple (article 24 de la loi de 1965), au lieu de la majorité absolue précédemment requise.
Cette règle s’applique notamment aux travaux d’isolation thermique des toitures, des murs extérieurs, des parois vitrées, à l’installation ou au remplacement de systèmes de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire performants, ou encore à l’installation d’équipements de contrôle et de gestion active de l’énergie.
Pour les travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives, comme l’isolation des planchers bas, la règle de la double majorité (majorité des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix) a été remplacée par la majorité absolue (article 25 de la loi de 1965).
Les aides financières : un levier essentiel
Pour inciter les copropriétés à engager des travaux de rénovation énergétique, de nombreuses aides financières ont été mises en place. La principale est MaPrimeRénov’ Copropriétés, qui peut financer jusqu’à 25% du montant des travaux, dans la limite de 15 000 € par logement.
Cette aide est cumulable avec les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), dont le montant dépend des économies d’énergie réalisées. Les copropriétaires peuvent aussi bénéficier d’aides individuelles, comme MaPrimeRénov’ pour les propriétaires occupants sous conditions de ressources, ou les aides de l’Anah (Agence nationale de l’habitat) pour les copropriétés fragiles.
Le tiers-financement est une autre solution innovante. Il permet à la copropriété de faire réaliser les travaux sans avance de fonds, le remboursement se faisant sur les économies d’énergie réalisées. Ce dispositif est mis en œuvre par des sociétés de tiers-financement, souvent créées à l’initiative des collectivités locales.
L’accompagnement des copropriétés : un enjeu clé
Face à la complexité des projets de rénovation énergétique, l’accompagnement des copropriétés est devenu un enjeu majeur. Le gouvernement a mis en place le dispositif France Rénov’, qui offre un service public de conseil et d’accompagnement pour la rénovation énergétique.
Les copropriétés peuvent bénéficier de l’aide d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), dont la mission est financée à hauteur de 30% par MaPrimeRénov’ Copropriétés. L’AMO aide la copropriété à définir son projet, à choisir les entreprises, à monter les dossiers de financement et à suivre les travaux.
Par ailleurs, la loi Climat et Résilience a créé le statut d’accompagnateur rénov’, un professionnel agréé qui pourra accompagner les copropriétés tout au long de leur projet de rénovation, de la définition des travaux jusqu’à leur réception.
Les sanctions : un durcissement progressif
Pour inciter les copropriétés à engager des travaux de rénovation énergétique, le législateur a prévu un durcissement progressif des sanctions. Ainsi, à partir de 2025, les copropriétés les plus énergivores (classées F ou G au DPE) seront considérées comme indécentes et ne pourront plus être mises en location.
À partir de 2028, ce sera au tour des logements classés E d’être interdits à la location. Ces mesures visent à créer une pression sur les copropriétaires bailleurs, les incitant à voter les travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique de leur bien.
Par ailleurs, les copropriétés qui n’auront pas adopté de plan pluriannuel de travaux dans les délais impartis s’exposeront à des sanctions financières. Le montant de ces sanctions n’est pas encore fixé, mais il devrait être suffisamment dissuasif pour inciter les copropriétés à se mettre en conformité.
L’encadrement juridique des travaux de rénovation énergétique en copropriété connaît une véritable révolution. Entre obligations renforcées, assouplissement des règles de vote et multiplication des aides financières, le législateur a mis en place un arsenal complet pour accélérer la transition énergétique du parc immobilier collectif. Les copropriétaires doivent désormais s’approprier ces nouveaux outils pour relever le défi de la rénovation énergétique.