Une nouvelle réforme dans la loi du travail

Après leur parution dans le journal officiel du 23 septembre dernier, les ordonnances Travail du Président Macron sont entrées en vigueur une semaine plus tard. Le débat est ouvert : s’agit-il d’une révolution ou d’un pas en arrière ?

Un encadrement des indemnités prud’hommes

Un barème encadre désormais les indemnités émérites par l’employeur condamné pour licenciement arbitraire. Ce barème comporte un plancher et aussi un plafond. Les TPE (entreprises de moins de 11 salariés)  ont un plancher plus bas. Le juge peut alors prendre en compte les indemnités conventionnelles lors de la détermination des dommages et intérêts. Le hic est que le salarié peut désormais gagner aux prud’hommes sans empocher d’argent. Par compensation, on remarque une hausse de 25 % des indemnités légales de licenciement, au lieu des 20 % précédents. Cependant, cette hausse n’est valable que pour la première décennie d’ancienneté. Beaucoup y voient donc une fausse promesse du gouvernement.

La primauté du compromis d’entreprise

Trois socles de négociations collectives sont définis par les ordonnances. Le premier porte sur les thèmes conservés par les branches pendant leur escarcelle. Parmi ces thèmes, l’on cite le SMIG, les classifications, la mutuelle, la période d’essai, etc. Le deuxième socle concerne les sujets afférant à l’entreprise, sauf au cas où les branches souhaitent garder la main dessus. Un accord d’entreprise ne peut se déployer si la branche verrouille ces sujets, sauf si des garanties au moins égales en valeur sont prévues. Ce deuxième socle inquiète l’opinion publique, car la rémunération pourrait baisser suite à son application. Le dernier socle concerne la signature d’accords sans syndicat permise. Il indique que pour valider tout type d’accord en entreprise, ce dernier devra être signé par des syndicats d’un nombre équivalent à au moins 50 % des votes professionnels.

A lire également  Contrôles routiers : ce que vous devez savoir

Le télétravail, quant à lui, est encouragé. De manière ponctuelle, il est possible de le pratiquer, sans nécessairement faire appel à un avenant au contrat de travail ni la fixation d’un jour spécial de la semaine. Un accident survenu durant les plages horaires du télétravail sera considéré comme étant un accident du travail. En outre, pour refuser à un employé le télétravail, l’employeur doit maintenant le justifier.

La fusion des instances représentatives du personnel

Une des mesures phares des ordonnances Macron est la fusion des instances représentatives du personnel. Le Comité Social et Économique (CSE) remplace désormais les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Cette fusion vise à simplifier le dialogue social au sein des entreprises, mais soulève des inquiétudes quant à la capacité des représentants du personnel à traiter efficacement l’ensemble des sujets. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE conserve les attributions des trois anciennes instances, tandis que dans les plus petites structures, ses prérogatives sont limitées à celles des anciens délégués du personnel.

L’assouplissement des règles de licenciement économique

Les ordonnances ont également modifié les règles encadrant les licenciements économiques. Désormais, l’appréciation des difficultés économiques justifiant un licenciement se fait au niveau national, et non plus au niveau mondial pour les groupes internationaux. Cette mesure vise à faciliter les restructurations des entreprises françaises appartenant à des groupes étrangers. De plus, la durée d’observation des difficultés économiques a été réduite, passant de 12 mois à 1 trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés, 2 trimestres pour celles de 11 à 49 salariés, 3 trimestres pour celles de 50 à 299 salariés, et 4 trimestres au-delà.

La rupture conventionnelle collective

Une nouvelle forme de rupture du contrat de travail a été introduite : la rupture conventionnelle collective. Ce dispositif permet aux entreprises de proposer un plan de départs volontaires sans avoir à justifier de difficultés économiques. L’accord collectif définissant les modalités de ces départs doit être validé par l’administration. Cette mesure offre plus de flexibilité aux entreprises pour ajuster leurs effectifs, mais soulève des questions quant à la protection des salariés contre d’éventuelles pressions pour accepter un départ.

A lire également  Les avantages et les inconvénients des baux à long terme

Le renforcement de la négociation collective

Les ordonnances Macron ont considérablement renforcé le rôle de la négociation collective au niveau de l’entreprise. Dans les entreprises de moins de 20 salariés dépourvues de délégué syndical, l’employeur peut désormais soumettre un projet d’accord directement aux salariés par référendum. Pour les entreprises de 20 à 49 salariés, un salarié mandaté par un syndicat peut négocier. Ces mesures visent à développer le dialogue social dans les petites structures, mais soulèvent des interrogations sur la capacité des salariés à négocier sur un pied d’égalité avec leur employeur.

La modification du compte personnel de prévention de la pénibilité

Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) a été rebaptisé compte professionnel de prévention (C2P). Quatre critères de pénibilité ont été retirés du dispositif : la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques. Ces facteurs ne donnent plus lieu à l’acquisition de points, mais peuvent toujours justifier un départ anticipé à la retraite en cas d’incapacité permanente. Cette modification vise à simplifier le dispositif pour les entreprises, mais est critiquée par les syndicats qui y voient un recul de la protection des salariés exposés à des conditions de travail difficiles.

L’encadrement du travail de nuit et du travail dominical

Les ordonnances ont apporté des précisions sur le travail de nuit et le travail dominical. La période de travail de nuit peut désormais être fixée par accord d’entreprise, dans une plage horaire commençant au plus tôt à 21h et s’achevant au plus tard à 7h. Concernant le travail dominical, les ordonnances ont étendu les possibilités de dérogation au repos dominical dans les commerces de détail alimentaire. Ces mesures visent à offrir plus de flexibilité aux entreprises, mais soulèvent des inquiétudes quant à l’impact sur la vie personnelle et familiale des salariés concernés.