Face à l’ampleur du fléau des violences conjugales, la loi française s’est considérablement renforcée ces dernières années pour mieux protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Tour d’horizon des dispositifs juridiques existants.
Le cadre pénal : des infractions spécifiques et des peines aggravées
Le Code pénal prévoit plusieurs infractions spécifiques aux violences conjugales. Les violences physiques ou psychologiques au sein du couple constituent une circonstance aggravante, entraînant des peines plus lourdes. Par exemple, des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à 8 jours sont punies de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, contre 3 ans et 75 000 euros dans le cadre conjugal.
Le harcèlement moral au sein du couple est également sanctionné plus sévèrement, avec jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. La loi réprime aussi spécifiquement le viol conjugal, les agressions sexuelles entre époux, ainsi que les menaces proférées par un conjoint ou ex-conjoint.
Les mesures de protection d’urgence
Pour protéger rapidement les victimes en danger, la justice dispose de plusieurs outils. L’ordonnance de protection peut être délivrée par le juge aux affaires familiales en cas de violences et de danger. Elle permet notamment d’interdire à l’auteur d’entrer en contact avec la victime, de détenir une arme, ou encore d’attribuer le logement familial à la victime.
Le téléphone grave danger est un dispositif d’alerte permettant à la victime de contacter rapidement les forces de l’ordre en cas de danger imminent. Le bracelet anti-rapprochement, mis en place en 2020, permet quant à lui de géolocaliser l’auteur des violences et de déclencher une alerte s’il s’approche trop près de la victime.
L’éviction du conjoint violent du domicile
Le principe « c’est l’auteur qui part, pas la victime » est désormais la règle. Le procureur de la République peut ordonner l’éviction du conjoint violent du domicile, même avant toute poursuite pénale. Cette mesure peut être prolongée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention.
En cas de condamnation, le tribunal peut également prononcer une peine complémentaire d’interdiction de paraître au domicile ou à la résidence du couple. Le non-respect de ces interdictions constitue un délit puni de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
La prise en charge des enfants exposés aux violences
Les enfants sont désormais reconnus comme des victimes à part entière des violences conjugales. La loi prévoit la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale en cas de crime commis par un parent sur l’autre. Le juge aux affaires familiales peut également suspendre ou aménager l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement du parent violent.
Des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées pour protéger les enfants. Le juge peut aussi décider d’une interdiction de sortie du territoire pour prévenir un enlèvement parental.
L’accompagnement des victimes dans leurs démarches
Les victimes de violences conjugales bénéficient d’un accompagnement renforcé. Elles peuvent être assistées gratuitement par un avocat dès le dépôt de plainte. Des associations spécialisées les aident dans leurs démarches juridiques et sociales.
Le 3919, numéro national d’écoute, d’information et d’orientation, est accessible 24h/24 et 7j/7. Des intervenants sociaux sont présents dans les commissariats et gendarmeries pour accueillir et orienter les victimes.
La prévention et la lutte contre la récidive
La loi prévoit des dispositifs pour prévenir la récidive des auteurs de violences conjugales. Des stages de responsabilisation peuvent être ordonnés dans le cadre d’une composition pénale ou d’un sursis probatoire. Le suivi socio-judiciaire, initialement créé pour les infractions sexuelles, a été étendu aux violences conjugales.
Les auteurs peuvent également être contraints de suivre des soins en addictologie ou des thérapies de gestion de la violence. L’objectif est de traiter les causes profondes des comportements violents pour éviter leur répétition.
Le renforcement de la formation des professionnels
La loi impose désormais une formation obligatoire sur les violences conjugales pour de nombreux professionnels : policiers, gendarmes, magistrats, avocats, personnels de santé, etc. Cette formation vise à améliorer le repérage des situations de violence et la prise en charge des victimes.
Des protocoles ont été mis en place entre les différents acteurs (justice, police, associations, hôpitaux) pour améliorer la coordination et l’efficacité de la réponse aux violences conjugales.
L’arsenal juridique français pour lutter contre les violences conjugales s’est considérablement étoffé ces dernières années. De la protection d’urgence des victimes à la sanction des auteurs, en passant par la prévention de la récidive, la loi offre désormais de nombreux outils. Leur mise en œuvre effective reste un défi quotidien pour tous les professionnels impliqués dans cette lutte.
